Autrefois, Zem Sparak fut, dans sa Grèce natale, un étudiant engagé, un militant de la liberté. Mais le pays, en faillite, a fini par être vendu au plus offrant, malgré l'insurrection. Et dans le sang de la répression massive qui s'est abattue sur le peuple révolté, Zem Sparak, fidèle à la promesse de toujours faire passer la vie avant la politique, a trahi. Au prix de sa honte et d'un adieu à sa nation, il s'est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégalopole du futur. Désormais il y est «chien» -c'est-à-dire flic - et il opère dans la zone 3, la plus misérable, la plus polluée de cette Cité régie par GoldTex, fleuron d'un post-libéralisme hyperconnecté et coercitif. Mais au détour d'une enquête le passé va venir à sa rencontre.
Avec "Chien 51", Laurent Gaudé s'aventure dans le "futur" ; à la fois lyrique, philosophique et tragique, politique aussi, c'est toujours l'homme qu'il questionne.
Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d'un empire immense, s'apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c'est Troie assiégée, c'est Thèbes livrée à la haine. Le monarque s'éteint; son plus jeune fils s'en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l'image de ce que fut le vénéré et aussi le haïssable roi Tsongor.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l'insidieuse révélation, en eux, de la défaite. Car en chacun doit s'accomplir, de quelque manière, l'apprentissage de la honte.
Parce qu'un viol a fondé leur lignée, les Scorta sont nés dans l'opprobre. A Montepuccio, leur petit village d'Italie du sud, ils vivent pauvrement, et ne mourront pas riches. Mais ils ont fait voeu de se transmettre, de génération en génération, le peu que la vie leur laisserait en héritage. Et en dehors du modeste bureau de tabac familial, créé avec ce qu'ils appellent «l'argent de New York», leur richesse est aussi immatérielle qu'une expérience, un souvenir, une parcelle de sagesse, une étincelle de joie. Ou encore un secret. Comme celui que la vieille Carmela - dont la voix se noue ici à la chronique objective des événements - confie à son contemporain, l'ancien curé de Montepuccio, par crainte que les mots ne viennent très vite à lui manquer.
Roman solaire, profondément humaniste, le livre de Laurent Gaudé met en scène, de 1870 à nos jours, l'existence de cette famille des Pouilles à laquelle chaque génération, chaque individualité, tente d'apporter, au gré de son propre destin, la fierté d'être un Scorta, et la révélation du bonheur.
Quand Salina meurt, il revient à son fils, qui a grandi seul avec elle dans le désert, de raconter son histoire, celle d'une femme de larmes, de vengeance et de flamme. Laurent Gaudé réinvente les mythes pour écrire la geste d'une héroïne lumineuse et sauvage.
Gardien de la citadelle Europe, le commandant Salvatore Piracci navigue depuis vingt ans au large des côtes italiennes, afin d'intercepter les embarcations des émigrés clandestins. Plusieurs événements viennent ébranler sa foi en sa mission et donner un nouveau sens à son existence. Dans le même temps, au Soudan, deux frères s'apprêtent à entreprendre le long et dangereux voyage qui doit les conduire vers le continent de leurs rêves, l'Eldorado européen. Parce qu'il n'y a pas de frontière que l'espérance ne puisse franchir, Laurent Gaudé fait résonner la voix de ceux qui, au prix de leurs illusions, leur identité et parfois leur vie, osent se mettre en chemin pour s'inventer une terre promise.
Un agent des services de renseignements français est chargé de retrouver à Beyrouth un ancien membre des commandos d'élite américains soupçonné de divers trafics. Il croise le chemin d'une archéologue irakienne qui tente de sauver les trésors des villes bombardées. Les lointaines épopées de héros du passé scandent leurs parcours - le général Grant écrasant les confédérés, Hannibal marchant sur Rome, Hailé Sélassié se dressant contre l'envahisseur fasciste... Un roman inquiet qui célèbre l'émotion et la beauté.
L'Europe, l'ancienne, celle d'un Vieux Monde bouleversé par la révolution industrielle, et l'Union européenne, belle utopie née sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'oméga de cette épopée sociopolitique et humaniste en vers libres relatant un siècle et demi de constructions, d'affrontements, d'espoirs, de défaites et d'enthousiasmes. Un long poème en forme d'appel à la réalisation d'une Europe des différences, de la solidarité et de la liberté.
Au coeur de la tempête qui dévaste la Nouvelle-Orléans, dans un saisissant décor d'apocalypse, quelques personnages affrontent la fureur des éléments, mais aussi leur propre nuit intérieure. Un saisissant choral romanesque qui résonne comme le cri de la ville abandonnée à son sort, la plainte des sacrifiés, le chant des rescapés.
Trois monologues qui, dans une langue joyeusement chahutée, interrogent et célèbrent la jouissance procurée par les mensonges que les hommes se racontent pour se plaire, pour plaire à l'autre et pour embrasser la vie que leur imaginaire projette sur le réel. Un triptyque qui tente également de cicatriser les blessures provoquées par des générations d'amours mal dits ou non confessés.
Roman rythmé, puissant et captivant, "La Porte des Enfers" oppose à la finitude humaine la foi des hommes en la possibilité d'arracher un être au néant. Par l'auteur du "Soleil des Scorta", prix Goncourt 2004.
Des poèmes engagés voyagent dans les interstices de l'oeuvre romanesque de Laurent Gaudé, dénonçant le sort que les hommes font aux opprimés - hier esclaves assujettis au commerce triangulaire des pays riches, aujourd'hui migrants économiques et réfugiés en quête d'une introuvable terre d'accueil.
Ils se nomment marius, boris, ripoll, rénier, barboni ou m'bossolo.
Dans les tranchées où ils se terrent, dans les boyaux d'où ils s'élancent selon le flux et le reflux des assauts, ils partagent l'insoutenable fraternité de la guerre de 1914. loin devant eux, un gazé agonise. plus loin encore retentit l'horrible cri de ce soldat fou qu'ils imaginent perdu entre les deux lignes du front : " l'homme-cochon ". a l'arrière, jules, le permissionnaire, s'éloigne vers la vie normale, mais les voix des compagnons d'armes le poursuivent avec acharnement.
Elles s'élèvent comme un chant, comme un mémorial de douleur et de tragique solidarité, prenant en charge collectivement une narration incantatoire, qui nous plonge, nous aussi, dans l'immédiate instantanéité des combats, avec une densité sonore et une véracité saisissantes.
En plein banquet, à Babylone, au milieu de la musique et des rires, soudain Alexandre s'écroule, terrassé par la fièvre. Ses généraux se pressent autour de lui, redoutant la fin mais préparant la suite, se disputant déjà l'héritage - et le privilège d'emporter sa dépouille.
Des confins de l'Inde, un étrange messager se hâte vers Babylone. Et d'un temple éloigné où elle s'est réfugiée pour se cacher du monde, on tire une jeune femme de sang royal : le destin l'appelle à nouveau auprès de l'homme qui a vaincu son père...
Le devoir et l'ambition, l'amour et la fidélité, le deuil et l'errance mènent les personnages vers l'ivresse d'une dernière chevauchée.
Porté par une écriture au souffle épique, Pour seul cortège les accompagne dans cet ultime voyage qui les affranchit de l'Histoire, leur ouvrant l'infini de la légende.
Une jeune femme revient à Port-au-Prince où elle veut désormais inventer sa vie, et pourrait même se laisser aller à aimer. Mais la terre qui tremble redistribue les cartes de toute existence. Un roman qui trace au milieu des décombres une cartographie de la fraternité.
Guidé par une ombre errante, l'écrivain-narrateur déambule de nuit dans un Paris étrangement vide, se remémorant des scènes proches ou lointaines, des existences anonymes ou fameuses, des personnalités tutélaires (Villon, Hugo, Artaud...). Mille vies l'ont précédé dans cette ville qui l'a vu naître et mettre au monde lui-même tant de personnages. Un récit sur la présence des absents, qui mêle l'autofiction au fantastique pour esquisser un art poétique.
Médée revient pour terminer ce qu'elle a commencé : exhumer les corps de ses enfants et les brûler, qu'il n'en reste rien. À Sodome, une femme transformée en statue de sel se réveille à la vie et raconte sa ville, avant qu'elle soit marquée du sceau de l'infamie.
La découverte d'une pilule permettant de dormir seulement quarante-cinq minutes par jour implique une restructuration totale de la société. Suite à tous ces bouleversements, un homme risque de perdre la femme qu'il aime.
C'est par la traque puis la vengeance d'un fugitif que débute ce recueil de récits, et c'est dans l'énigme d'un meurtre inexpliqué qu'il se referme. Comme si une part de la vérité du monde - la plus inhumaine, celle qui stigmatise l'histoire intime ou collective - devait à jamais défier notre raison. De toutes époques et de tous lieux, les personnages de ce livre ont cette expérience en partage, qu'ils assument dans la proximité de la mort.
Désespérés ou lucides, ils revisitent leurs illusions, admettent leurs fautes ou retiennent un instant encore les ultimes bonheurs de l'existence. Animé d'une empathie et d'une oralité puissantes, ce volume composé entre 2000 et 2007, marqué par les thèmes de Cris, de La Mort du roi Tsongor, du Soleil des Scorta ou d'Eldorado, a grandi dans les interstices d'une oeuvre romanesque désormais traduite et lue dans le monde entier.
Un vieil homme croit entendre chevaucher Frédéric II dans le royaume des Enfers. Un centurion marche vers une Rome gangrénée dont il devance l'agonie. Un soldat des tranchées fuit le «golem» que la terre a façonné pour punir les hommes. Un juge anti-mafia tient le compte à rebours de sa propre exécution. Dans la proximité de la guerre ou de la mort surgissent ces quatre récits où les héros, certes vaincus, mais non déchus, prononcent d'ultimes paroles.
Ils veulent témoigner, transmettre, ou sceller des adieux. Minuscules fantassins de la légende des siècles, ils affrontent une Histoire lancée dans sa course aveugle. Et ils profèrent la loi tragique, celle de la finitude, qui, au-delà de toute conviction, donne force et vérité à leur message. D'où la dimension orale de ces textes qui revisitent la scène de l'oeuvre romanesque et, de Cris à La Porte des Enfers, réorchestrent des thèmes chers à Laurent Gaudé, auxquels la forme brève donne une singulière puissance.
Onysos le furieux Un homme est là, assis sur le quai d'un métro, à New York. Il est vieux. En guenilles. C'est Onysos.
Mi-homme, mi-dieu, il prend la parole et entame le récit de sa vie. C'est une épopée antique. De sa naissance dans les monts Zagros à la prise de Babylone, de sa fuite en Égypte à son arrivée dans la cité d'Ilion où il décide de mourir au côté des Troyens, il raconte une longue succession de pleurs et de cris de jouissance, de larmes, d'orgies et d'incendies.
Le temps d'une nuit, sur ce quai anonyme, Onysos le gueux, le boueux, Onysos l'assoiffé fait à nouveau entendre sa voix et se rappelle à la mémoire des hommes.
Le Tigre bleu de l'Euphrate Alexandre va mourir. Après avoir battu le grand Darius, conquis Babylone et Samarkand, après avoir construit des villes et fondé un immense empire, il est terrassé par la fièvre. Il ne lui reste que quelques heures à vivre. Il ne tremble pas. Il contemple la mort et l'invite à s'approcher pour lui raconter lui-même ce que fut sa vie.
Alexandre parle et la mort l'écoute. Le laissant revivre l'ivresse de son épopée et ressentir, une dernière fois, le désir. Celui de ne jamais interrompre sa course. De s'enfoncer toujours plus loin dans des terres inconnues. Le désir de rester toujours fidèle à cette soif intérieure que rien ne peut étancher.
Une femme parle aux morts dans un pays dévasté par la guerre ; une autre affirme les désirs de son corps envers et contre l'autorité de ses trois mères. Toutes deux tentent d'affirmer une forme d'indépendance dans un monde qui voudrait les contraindre, les étouffer.
Salina aime le jeune kano mais c'est à son frère, saro, que le clan djimba veut la marier.
Elle tente d'imposer son désir, en vain. le malheur est sur elle. le mariage a lieu et la vie qu'elle avait espérée, doucement, lui échappe. commence alors, pour salina, le cycle des vengeances, dans la rage et la démesure. organisée en un triptyque, " le sang des femmes ", " la dernière vertèbre " et " le don des larmes ", salina est du même souffle que la mort du roi tsongor (prix goncourt des lycéens 2002).
Un récit - théâtral par ses multiples voix - qui emprunte à l'antique sa violence et ses mythes.
Médée a tué ses enfants et s'est enfuie, laissant Jason pétrifié d'horreur. Si elle revient aujourd'hui, c'est pour terminer ce qu'elle a fait : exhumer les corps et les brûler pour qu'il n'en reste rien.
Colosses aux pieds d'argile, les dictatures arabes ont été balayées par la vindicte populaire. « Qu'est-ce qui transforme une foule, en peuple ? », s'interroge l'auteur. Voici un texte sur la Révolution : « Pour parler de cet élan, de cet appétit, de cette irrévérence tantôt joueuse, tantôt enragée de la jeunesse. » Un récit collectif à voix multiples.