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P.o.l
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«C'est un livre sur les voix, des voix enregistrées qui continuent d'émettre au présent, sur l'expérience de la perte et sur certaines ondes qui nous touchent.»
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Une femme parle et un homme se tait.
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Journal Tome 1 : ténèbres en terre froide (1957-1964)
Charles Juliet
- P.O.L.
- Fiction
- 18 Février 2010
- 9782846824552
«Au tréfonds de l'être, une plaie suinte, que maintiennent à vif maintes de ces questions auxquelles il n'est jamais facile de fournir une réponse : vivre, le faut-il ? Et ce mot, vivre, comment le comprendre ? Quelles significations lui attribuer ? Et que doit-on faire de sa vie ? Quel sens lui donner - ou en recevoir ? Et s'il semble rigoureusement indispensable de se connaître, cet être que je suis, quel est-il ? Dois-je le subir dans tout ce qu'il est ? Ou bien puis-je le transformer ? Mais alors dans quel but, quelle intention ? Vais-je savoir brûler ce qui m'encombre, désenfouir mon noyau, ne garder en moi que ce qui procède de l'élémentaire, l'originel ? Et cet autrui dont je viens de vérifier à quel point il est mon semblable, vais-je savoir le rejoindre ? Et si je cède à ce désir de me connaître, comment dissoudre l'angoisse qu'il suscite ? Comment vaincre la peur de la vie ? La peur de la mort ?... Mais quand ces questions le taraudent, l'être n'est pas à même de se les formuler. Elles ne sont tout d'abord qu'un malaise, un désarroi, une lancinante sensation d'exil, l'âpre nostalgie de ce que l'on ne saurait nommer, une infranchissable solitude. Et c'est à son insu que l'être se trouve progressivement engagé dans une aventure dont il ne soupçonne ni en quoi elle réside, ni où elle est susceptible de le mener. Les notes rassemblées dans ce Journal sont les traces laissées par un homme embarqué dans une telle aventure, et qui, des années plus tard, devra s'avouer qu'en se scrutant la plume à la main, il n'a fait qu'obéir à un urgent besoin de se révéler à soi-même, se clarifier, s'unifier, à l'impérieuse nécessité d'accéder à la liberté, la connaissance, une ineffable lumière.»
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Il était une fois, aujourd'hui, dans notre pays : « Il y eut ce printemps-là une série de crimes particuliers. Ceux qui les commettaient étaient des exploités de toutes sortes, employés, salariés, ouvriers agricoles, domestiques, misérables divers, et ceux qui étaient assassinés étaient des patrons, des gens pour qui il n'y a qu'à... étudier, faire un effort, traverser la rue, etc. » Ce petit livre est issu d'un mouvement de colère et d'indignation. Et d'un constat : le monde marche sur la tête. Il y a un mensonge sur l'origine de la violence. La violence vient d'abord d'en haut, pas d'en bas. De ceux qui possèdent le pouvoir, l'argent, l'éducation, etc., et qui se comportent comme des privilégiés. Elle ne vient pas des opprimés, des exploités, qui cherchent à défendre ou à élargir de maigres acquis en usant de moyens parfai- tement légaux et inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, comme le droit de manifester.
C'est drôle, inquiétant et cruel. C'est une farce sanglante qui rappelle certains textes de Voltaire ou de Dos- toïevski. Leslie Kaplan propose avec Désordre un bref conte féroce, moderne et d'actualité. La fable et la fiction deviennent des armes redoutables pour dénoncer la violence du réel. Ici, la littérature piège les mots du pouvoir, en les prenant au mot, tout simplement, pour faire apparaître l'absurdité du monde dans lequel nous vivons. On pense avec trouble à notre situation sociale agitée, à la révolte des Gilets jaunes. On peut ainsi prendre au pied de la lettre l'accusation de violence faite aux exploités, aux opprimés. L'effet produit est comique : un rire de sou- lagement. Autre chose serait donc possible ?
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Automne 2016 : des Centres d'Accueil et d'Orientation pour les réfugiés migrants s'ouvrent un peu partout en France, à la suite du démantèlement de la « jungle » de Calais. Les enfants vont bien commence là. Président de la République, ministres, textes de loi, presse régionale, animateurs du C.A.O., réseau d'aide... Tout le monde a quelque chose à dire des réfugiés, et c'est chaque pa- role, chaque phrase, chaque énoncé ou fragment de texte officiel, de chacun, sur chaque page, que ce livre recueille, entre 2014 et 2018. La simple juxtaposition de ces phrases forme une mélopée d'autant plus triste (et cruelle) qu'elle est parfois éclairée par des regains d'espoir. A la lecture, l'effet est radical. On lit en creux le drame de ces personnes que l'on n'entend pas, que l'on ne lit pas, et qui ne citent rien.
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Tous présidents !
Le président de la République multiplie les « visites surprises » un peu partout dans le pays. Visites de plus en plus étranges et loufoques. Mais un beau jour, ça suffit. L'Élysée fait une communication : « Un imposteur usurpait la place, le rôle, la figure, l'image du président. » Mais ce faisant il les questionne, et il enclenche dans toute la société un mouvement où chacun s'approprie ce personnage de président. Il suffit de mettre une perruque et de prendre la parole. Le mouvement devenu général provoque en retour la peur, des petits groupes réactionnaires pro-police, pro-ordre se forment :
« Chacun à sa place », « Que rien ne bouge », « À bas l'angoisse ». Que faire ? Actions, interventions, associations, graffitis.
Les écoliers s'y mettent, écrivent eux aussi sur les murs... Répression, fureur, nouveaux partis politiques... « On était dans un drôle de moment. ».
Leslie Kaplan propose ainsi une nouvelle fable politique, après Désordre (2019). Un texte très sérieux et très drôle à la fois, sur la folie du monde dans lequel nous vivons.
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«La recherche de soi est un long chemin. Au début, il n'est d'ailleurs pas de chemin. Seule règne une profonde ténèbre. Une ténèbre faite d'interrogations, de doutes, de fatigue, de haine de soi, de difficulté à vivre... Mais un travail d'élucidation et de clarification parvient à le repousser, à y faire naître une faible lueur. Alors des entraves commencent à tomber, des obstacles à disparaître, et un chemin finit par s'ouvrir. Il permettra à celui qui l'empruntera de se connaître et de vivre en bonne intelligence avec lui-même, les autres et le monde.» Au long des trois premiers volumes de son Journal, Charles Juliet a relaté son cheminement. Dans ce quatrième tome, il poursuit sa quête. Mais la sérénité lui est venue, et ces notes où alternent instants de vie, rencontres, plongées intérieures, marquent un indéniable accomplissement.
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L'invité du miroir est un bref récit poétique dans la continuité de Terre et cendres ou de Syngue Sabour. Ce texte est inspiré par l'expérience de l'auteur au Rwanda sur le tournage de son dernier film Notre Dame du Nil (libre adaptation du roman de Scholastique Mukasonga, Gallimard, 2012).
« Me voici, écrit l'auteur, vingt-quatre années plus tard, avec la même rage, les mêmes questions, le même besoin viscéral de reconnaître les désastres de l'Histoire, de les nommer, les filmer... » Atiq Rahimi se laisse imprégner par la culture du Rwanda, sa langue, son histoire, ses légendes et sa tragédie.
Nous sommes au printemps 1994. C'est la guerre civile en Yougoslavie, celle fratricide en Afghanistan, pays de l'auteur, et l'atrocité du génocide rwandais. C'est le récit d'une triple rencontre, une mystérieuse nageuse dans le lac Kivu, une vieille femme sorcière, et un homme ivre, aux yeux rougis par les larmes. A mesure que le conte se déploie, on pressent l'horreur à venir, le génocide au Rwanda. C'est le poème de la violence décryptée dans les contes du pays.
Le miroir, c'est cette terre de douceur qui nous invite à contempler ses blessures. L'invité, c'est lui, le poète qui passe de l'autre côté de l'horreur.
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Nous allons perdre deux minutes de lumière
Frédéric Forte
- P.O.L
- Fiction
- 11 Février 2021
- 9782818050491
Nous allons perdre deux minutes de lumière est une phrase entendue par l'auteur à la télévision, prononcée par une présentatrice météo. Frédéric Forte l'a aussitôt perçue comme un titre de livre potentiel. Et plus qu'un titre, comme modèle, matrice d'autres phrases et de vers. Ce livre est ainsi un travail sur la phrase comme objet poétique familier, pour faire du poème une expérience à la fois intime et partageable, une parole à laquelle chacun peut s'identifier. L'idée était bien de confronter cette phrase matricielle à ce qui fait un quotidien, à « l'infraordinaire » cher à Georges Perec, au processus d'écriture même.
La forme du poème est déterminée par la structure même de la phrase (sept mots, douze syllabes), avec sept chants, et chaque chant composé de sept strophes, chaque strophe de douze vers, chaque vers de douze syllabes (dodécasyllabes).
Chaque chant est déterminé par le mot qui lui correspond dans la phrase-titre, de « Nous » à « lumière ».
Nous : la communauté humaine ; allons : le déplacement, le mouvement ; perdre : l'échec, la désorientation, la mort ; deux : le couple, la dualité ; minutes : le temps ; de : la provenance, l'association ; lumière : la vue.
Pour les titres de chaque chant, ces mots ont été cryptés en « braille », référence à la perte de lumière mais aussi à une anecdote familiale évoquée dans le chant final.
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« Ma mère a toujours aimé les mélos. » C'est un souvenir obsédant, devenu douloureux. La passion de sa mère pour un mélo améri- cain, Nos plus belles années de Sydney Pollack, avec Barbara Streisand et Robert Redford. Notam- ment la scène finale où les deux amants se séparent. Claire Ganz est une cinéaste de renom « qui a tous les droits » dans le milieu du cinéma. Elle décide de tourner Clic-clac, un film dans lequel elle entend revisiter, répéter à sa façon le film culte de Pollack. Et approcher ainsi les larmes de sa mère.
Mais le tournage de son dixième film commence mal. Sa mère vient de mourir et ses deux acteurs ne comprennent pas ce que veut Claire : une scène de retrouvailles qui coupe le nerf de l'amour.
Dire, c'est tout, fini, terminé. Cut. Comme on a sorti la scène, on la range. Une scène pliable. Clic- clac. Le contraire de ce que montrent habituellement les grands films d'amour. Claire bute contre un obstacle et le tournage s'enraye. Pierre et Marie, les deux comédiens entraînés dans l'aventure, voient progressivement leurs vies bouleversées par Claire Ganz et le tournage du film.
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Une femme fréquente un musée de peinture où il ne passe jamais personne. Elle y vient chaque jour et y retrouve, inexorablement, le même gardien de musée. « Vous êtes un mystère, sans chic et sans élégance, mais vous êtes un mystère plus profond que tous ceux que j'ai pu croiser dans les salons. » Elle s'adresse en secret à ce gardien de la salle principale. L'homme est sans qualité, sans prétention. Une de ces présences « immobiles et imprenables » qui rappellent le petit scribe de Melville, Bartelby. Elle se demande qui il est, comment il vit, ce qu'il peut entendre aux tableaux qu'il surveille, comment il fait pour reconduire cette existence apparemment morne et sans ambi- tion. Elle raconte surtout qui elle est, d'où elle vient, son ascension, son retour dans sa ville natale, sa dernière visite. Un monologue d'une traite qui entrelace l'envie d'en découdre avec les autres et avec soi. De mettre sa vie à la question, en interpelant silencieusement, jusqu'au vertige, cet homme si loin d'elle. « Il n'y a pas de rapport social », dit cette femme. Mais une impossible rencontre.
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Le roman ne ment pas, le titre en résume parfaitement l'histoire : deux garçons, qui ne se connaissent pas et vivent à des centaines de kilomètres, se retrouvent à Rennes pour y passer la nuit ensemble. Ils n'en auront pas d'autres. L'un, plus âgé, n'est pas célibataire ; l'autre, 20 ans, n'a jamais été en couple. C'est ce qu'il veut plus que tout mais il a, sur ce sujet, des principes qui ne facilitent pas les choses. Ni avant, ni après. Leur histoire n'est pas que cela. Ils se désirent depuis leur première conversation au hasard des réseaux sociaux, et avant la nuit où enfin ils feront l'amour, rien n'est sûr.
À l'exception du désir dont l'assouvissement est sans cesse menacé. La nuit achevée, l'histoire ne s'achève pas tout à fait. Le livre en est le contrecoup, écrit dans l'urgence, par l'un des deux garçons, celui qui dit « je ». Un livre écrit pour tenter d'approcher notre méconnaissance de toute histoire d'amour.
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Ce bref roman emprunte autant à la tragédie antique qu'au thriller hitchcokien. Boris aime Hélène.
Hélène lui propose de partir en Corse sur les traces de son père. Boris, le narrateur, raconte cette équipée. Très vite, la quête des origines prend le pas sur le voyage en amoureux, aux accents de road movie. On entend la voix de l'île parler comme un oracle dans une tragédie grecque. Mais qui sait encore l'entendre ? L'île de beauté se dévoile sous un ciel obscur et tisse au fil des rencontres avec ses habitants un portrait en creux d'Antoine, le père, cet inconnu. Hélène veut savoir la vérité sur sa mort et les rumeurs qui courent sur lui. Les amants croisent d'étranges personnages dont un inquiétant jeune homme « à la hache », compagnon d'une truie apprivoisée. Hélène finit par apprendre que son père a été pendu dans des circonstances troubles. Probablement un règlement de compte politique et clanique. Cette découverte, accompagnée de nombreuses tensions autour d'eux, précipite leur départ.
Les vacances sont brutalement interrompues. Mais lors d'une ultime promenade en montagne, c'est le drame inattendu.
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Augustin aime la propreté car il se rêve ordinaire et sain. Il collectionne les slips car il rêve de caresses. Mais ses élans d'affection sont généralement mal perçus et les femmes qu'il convoite peinent à consentir. Il lui faut donc forcer un peu le destin.
La morale commune lui échappe et sa vie repose sur un malentendu : il ne veut pas faire de mal, juste se faire du bien.
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« Je voudrais être Rimbaud et je voudrais ne l'être pas. Pourquoi avoir écrit si peu et ensuite tant, et bêtement souffert ? Est-il possible d'écrire comme lui et de ne pas souffrir comme lui ? Je ne crois pas être la seule à m'être posée la question parce que je ne suis pas la seule non plus à vouloir le peu qu'il a donné et refuser tout ce qu'il a perdu. » Ainsi écrit Andréa Bajarsky, si jeune, si belle, si douée. Et qui pourtant, tout au long de ces pages, celles de son journal, comme celles qui retranscrivent les sentiments de ses proches, va peu à peu sombrer dans la folie - trop d'intelligence ? trop de sensibilité ? trop d'orgueil ?
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Sarabandes, passacailles, naïades en bikini
Marc Cholodenko
- P.O.L
- Fiction
- 5 Décembre 2019
- 9782818013465
Est-ce l'érotisme de la langue ou celui de situations et d'images mystérieusement évoquées dans le texte qui donne à ce petit livre le rythme d'une fugue ? Séduction, voyeurisme, pornogra- phie. On y croise entre autres apparitions les demoiselles d'un concours de Miss en talons hauts et maillot une pièce, affublées de noms obscènes, les peintres Le Lorrain, Manet, Sol LeWitt, ou encore les Nuits de Cabiria de Fellini, Mae West, Ophélie, un empereur mongol... Mais on y entend aussi des propos salaces, des paroles rapportées, une cantate de Bach, une ballade irlandaise, ou les cris de la jeune garde en 68 à la Mutualité... Et surtout on doit se rendre à un dîner au Ritz sur l'invitation d'une énigmatique MA. Ce sera la pianiste Martha Argerich.
Le texte choral de Marc Cholodenko est une pièce musicale stylisée qui développe des varia- tions à partir de quelques thèmes obsessionnels, obscurs, entre vision, vie, sexe et mort. Comme une passacaille en musique, le livre se construit sur ces notes obstinées, basses, et répétées jusqu'à la fin.
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A travers cette suite de notes écrites sur 15 ans, R. Bellour évoque le mystère de l'enfant et la figure maternelle, aimante et menaçante.